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Zadissidences 2 : Une brochure sur les dissidences au sein de la ZAD (et note introductive)

dimanche 15 juillet 2018

[brun] NdNF : Tant que la « zone àdéfendre  » était constituée comme zone occupée « contre l’aéroport et son monde  » et comme espace d’expérimentation alternative, les contradictions inhérentes àla délimitation de ce tout petit monde alternatif illusoirement extrait du monde — dont nous pouvons penser qu’elles en reproduisent inéluctablement les mêmes schémas, ceux de la gestion et de la politique — restaient internes, et c’était d’un point de vue extérieur que les critiques de la démarche territoriale et alternativiste pouvaient s’exprimer. On a relayé ici quelques-unes de ces critiques (cf. Post-scriptum de cet article), sans donc entrer dans les détails internes du suivi quotidien d’une telle expérience. Alors pourquoi y regarder de plus près aujourd’hui, maintenant que la « zone àdéfendre  » est devenue un « territoire àgérer  » ?
Notre intérêt actuel pour les textes qui décrivent le processus en cours ne provient pas d’une nécrophilie adepte de la documentation du processus d’agonie d’un organisme auquel on ne s’est pas beaucoup plus intéressé quand il était en vie. Nous ne nous réjouissons pas plus de la « victoire  » contre l’aéroport que de la « défaite  » de l’illusion alternativiste et son monde.
Maintenant que le monde a fait irruption dans la ZAD, àcoups conjoints d’expulsions et de légalisations, maintenant que la normalisation fait son Å“uvre, les contradictions inhérentes àcette proposition de gestion alternative d’un territoire sont ouvertes, visibles : ce qui se joue dans la liquidation de l’expérience de la ZAD, c’est désormais sans conteste ce qui se joue partout dans la normalité de ce monde. La politique y joue àplein et y montre sans complexes ses ressorts les plus efficaces, depuis l’intérieur même de ce qui reste de cette expérience.
C’est àce titre que nous relayons parfois les analyses pertinentes et lucides de ce processus. Parce qu’on y comprend comment s’y opposent la politique et la vie, la subversion et la gestion, la recherche de légitimité àtout prix et la révolte, les « composantes  » qui cherchent avant tout à« composer  » avec l’État, sa préfecture et ses projets innovants et un désir réel de subvertir ce monde, des pratiques mafieuses para-étatiques et le refus de la judiciarisation et des barbouzeries qui vont avec.
Ce monde en petit a déjà, et depuis longtemps sans doute, en plus de sa police, de sa justice et de sa mafia, sa droite, sa gauche, ses éléments incontrôlés, ses forces de l’ordre et ses (assignées) forces du désordre... Dans ces temps de négociations, apparaît au grand jour cet édifice bureaucratique et alterno-autoritaire, construit par certains au nom d’un pragmatisme mortifère, qui est prêt depuis longtemps àtrier le bon grain de l’ivraie au moment de la « victoire  », àmettre en place la realpolitik inévitable dans le cadre de ces négociations. Et il y a beaucoup àen apprendre, même hors des perspectives alternativistes.
C’est pourquoi nous relaierons encore divers textes qui seront produit par la suite, décrivant ce processus de normalisation, ses rapports de pouvoir, ce qu’ils écrasent et ce qu’il en reste, d’un point de vue subversif.
La brochure en deux parties ZADissidences (et dont la deuxième partie vient de paraitre) nous intéresse parce qu’elle regroupe des documents qui, comme il est précisé dans l’introduction, « critiquent la tendance dominante dans le mouvement de lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, et tentent d’enrayer ses pratiques autoritaires et réformistes  ». Et c’est particulièrement instructif.
Tant qu’il y aura du territoire àgérer, il n’y en aura pas pour tout le monde !
Bonne lecture. [/brun]


Tu tiens dans tes mains le deuxième numéro de ZADissidences. Il est en deux parties pour pas être trop gros àdiffuser, divisé entre la première et la deuxième vague d’expulsions. L’idée est ici de continuer àcompiler des textes qui causent de la zad, critiquent la tendance dominante dans le mouvement de lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, et tentent d’enrayer ses pratiques autoritaires et réformistes.

Plus précisément, nous voulons participer àdiffuser des voix de ce mouvement qu’on entend moins et qui refusent les choix et les visions politiques d’une partie des occupant·e·s, notamment celle qu’on entend beaucoup et qui depuis quelques mois préfère se nommer « habitant·e·s  », (comme pour se défaire d’un costume devenu gênant). Ces conflits ne sont pas nouveaux, l’abandon du projet n’a fait qu’amplifier ce qui était déjàla direction prise depuis des années par quelques occupant·e·s en alliance avec les « composantes  », direction qui en déjàfait fuir plus d’un.e depuis longtemps.

Zad dissidences 1 concernait la période allant de la « victoire  » de mi-janvier et s’arrêtant au tout début des expulsions-destructions de début avril 2018. Celui-ci relate ces deux mois d’assauts et d’occupation militaires de la zad, avec en parallèle les nombreux rebondissements démocrates, des négociations aux « fiches  ».

Nous avons écrit ces lignes dans un contexte de « fin d’expulsions  » sur la zad, que l’état définissait comme « ciblées  », et qui suivent leur cours par vagues plus ou moins annoncées et avec plus ou moins d’intensité. On ne va pas raconter ici dans le détail les expulsions, le siège de la zone, les affrontements, l’asymétrie face au dispositif militaire, entre les lieux attaqués et les lieux épargnés, entre les lieux soutenus et les autres, les destructions de cabanes (plus de 35), les arrestations (plus de 70), les peines de prisons (qui vont continuer àpleuvoir), et les blessés (plus de 300)…

On avait pu entendre la prévision clamée ces derniers mois que le mouvement d’occupation se retrouverait isolé et faible face aux expulsions. Qu’il serait donc suicidaire de ne pas aller négocier, que ce serait se couper du soutien vital des « composantes  » du mouvement contre l’aéroport. On a pourtant vu débarquer des centaines de personnes, connaissant la zad ou non, pour la plupart hors de ces fameuses « composantes  » dont il fallait tant prendre soin (et qui n’ont pourtant pas hésité àse désolidariser àla première occasion). Ces personnes sont venues sur zone affronter cette situation et faire douter l’état de sa maîtrise. Sa vieille stratégie couplée entre le militaire sur le terrain et l’administratif dans les négociations, et le médiatique pour la population, lui a permis de jouer l’épuisement et la dissociation, de maintenir la menace et la pression tout en sauvant la face démocratiquement. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela a bien fonctionné. Il faudra bien en tirer les leçons.

L’état a donc enfin trouvé comment sortir de son impuissance. Il a vu un tapis rouge déroulé devant lui par une partie du mouvement qui s’est proposée en interlocutrice, en donnant des signes de bonne volonté qu’il a su interpréter àjuste titre comme des signes de faiblesse. De la route des chicanes aux fiches de projets individuels, en quelques mois la liste est longue de tous ces pas faits vers la préfète malgré qu’une àune toutes les limites que s’était donné « le mouvement  » soient dépassées. Tout ça sans autre contrepartie de sa part, jusqu’àaccepter des Conventions d’Occupations Précaires valables uniquement jusqu’àla fin de l’année 2018.

Chose étonnante, alors que la préfecture a finalement obtenu une liste très claire de noms et de parcelles concernées, on constate que le fameux flou du « manteau  » l’est surtout pour les occupant·e·s elleux-mêmes. Illes doivent spéculer àpartir des articles de la presse locale pour comprendre ce qui se joue, et même pour deviner si oui ou non une fiche a été déposée pour leur lieu, étant donné que cela s’est passé en moins de 48h et parfois sans leur consentement. : « Euh, est ce que tu crois que quelqu’un aurait mis sur une fiche l’endroit où on vit sans qu’on le sache ? Et qui ? Dis, t’as vu, quand même, quatre élevages ovins sélectionnés, y doit bien y avoir les voisins dedans non ? Ben ouais, parce que j’en vois que trois, moi ! Mais alors peut être on est même retenu·e·s pour « l’avenir  » malgré nous ?  ».

L’« avenir  » nous dira ce qui parviendra à« rester  », et àquel prix… En attendant, du côté de ce qui se vit sur place, beaucoup n’oublieront pas ces fameux « 6 points  » passés àla trappe, les intimidations et dissociations, et tant de promesses non tenues dans le face àface avec les troupes venues éradiquer la partie moins « jolie  » de la zad.

Nous choisissons de ne pas attendre un hypothétique « dénouement  » pour publier ces textes, parce qu’il nous semble urgent de permettre àchacun·e de se faire sa propre idée de ce qui se passe ici, par d’autres angles de vue que le lyrisme àgrands moyens de celleux qui dirigent le navire de « l’avenir dans le bocage  ».

Il y a beaucoup àdire sur le processus en cours dans cette fin de lutte. De nombreuses personnes sont arrivées sur la zad ces derniers mois, comme lors de la résistance àl’opération César de 2012. Elles parlent des AG fermées aux dits « soutiens  », du mépris d’être reléguées au rôle de « personnes de passage  » sans qui pourtant cette zone n’existerait plus depuis longtemps. Elles viennent avec leurs propres perspectives participer ici àla lutte contre le monde de l’aéroport, ce monde qu’elle subissent et combattent déjàdepuis longtemps partout ailleurs.

De même pour celleux qui sont ici depuis plus longtemps, les côte-à-côte et face-à-face permanents entre des visions tellement opposées du sens de ce qui se joue ici minent le quotidien, et polarisent comme rarement on a l’occasion de le vivre dans ce monde pacifié àl’extrême.

Certain·e·s trouveront triste de donner tant de place àce qu’illes préfèrent appeler des « embrouilles internes  » et se diront que ça n’a pas vraiment d’importance comparé aux grands enjeux de « l’avenir  » de la zad. D’autres sauront y voir la densité des réels conflits politiques que la situation révèle, et chercheront àen tirer des leçons pour d’autres luttes. Déjàbeaucoup sont parti·e·s écoeur·é·es, d’autres tiennent le coup vaille que vaille. Il y aura encore tant àraconter et àdiscuter de cette aventure dans les temps prochains avec celleux qui voudront y donner de la place.

On imagine pas que cette compilation soit lue d’une traite. Les textes ne sont pas écrits du même point de vue et ont chacun leur propre histoire àprendre en compte séparément. Mais on peut sentir qu’ils ont en commun une sorte de rage. Et ces temps-ci, c’est notamment cette rage qui nous permet de nous reconnaître dans la tempête. On a choisi ces textes-làparmi d’autres, sans être nécessairement en accord sur tout. On vous encourage àaller en lire d’autres sur internet.

Le Zadnews, hebdomadaire de la zad, a vécu une période de galère due aux expulsions, tant pour déposer des contributions dans des lieux qui n’existent plus ou avec internet difficile d’accès, que dans le travail de mise en page en équipe très réduite débordée et avec de petits moyens, sans parler de l’impression et de la distribution au milieu du carnage. Une spéciale dédicace àqui l’a fait exister malgré tout. Bon, du coup, même si la plupart des textes sont passés par le Zadnews, on suit plutôt la chronologie de leurs parutions sur internet. Cette fois la parole n’est pas restée sur zone...

Merci encore pour toutes ces contributions, et prenez soin de vous !

Merci de les lire, et tenez bon !

Et ne soyons pas tristes, car tout ce qui a été vécu dans cette lutte, y compris ces derniers mois, continue de nourrir des parcours et des rencontres contre ce monde de merde.

A la prochaine !

La brochure au format PDF

Sommaire

  • 2. Éditoto
  • 6. Résumé partial des épisodes précédents
  • 8. Quelques définitions
  • 9. Chronologie de la 1ère vague d’expulsions
  • 13. Prise de position de la légal team sur les actions de milice àla ZAD
  • 15. Quand Lama faché, lama cracher !
  • 22. Prise de parole àl’assemblée des usages du 16 Avril 2018
  • 26. Lettre de compassion aux signataires des C.I.
  • 28. Contre les lèche-bottes et leur monde
  • 32. Signe ton formulaire et ferme ta gueule
  • 35. L’Ancre Noire a été expulsée, rien n’est fini, tout commence
  • 37. Communiqué des sans fiche
  • 39. Appel àdétruire les routes circulantes de la zad hors période d’expulsion.
  • 41. Face aux attaques de l’état et ses relais internes : guérilla sociale anti-autoritaire !
  • 44. B.D stratégie de l’état et ennemis intérieurs
  • 46. Bibliographie