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Voyageurs de la mémoire
jeudi 16 juillet 2015
Le 1er juillet 1766 , le chevalier de la Barre, accusé d’avoir brisé un crucifix, eut à 19 ans la langue et la main droite tranchées avant d’être brà »lé vif. Un groupe a récemment perpétué son souvenir par quelques sacrilèges amusants, qualifiés par les torche-cul locaux de « sataniques  », il nous a fait parvenir un dossier, dont nous publions les extraits suivants :
Les diverses actions d’hygiène individuelle que nous avons menées se sont d’abord fait connaître par les dégâts causés dans le paysage après notre passage, du pic Saint-Loup à Rocamadour, de Golfech à Paris. C’était sous-estimer la volonté d’être qui nous anime. Notre chahut est doublement profane : il s’en remet au hasard, c’est-à -dire à l’absence de causes particulières, et il enfreint la loi du travail, qui se fonde sur la nécessité d’une causalité. Notre jeu est en dernière instance, négateur de Dieu ! Jouer c’est disposer de soi ! [...] Nous n’avons d’autre motivation que de manifester par nous-mêmes et pour nous-mêmes, une totale indépendance d’esprit et un désaccord tranquille avec ce monde.
Nous n’avons que faire de textes ou d’actions dénués d’humour et de vie, au langage imbitable, ne circulant la plupart du temps que dans le milieu spécifique de la mouvance qu’ils représentent. Nous ne cherchons pas non plus à être reconnus par les médias, mais, à travers le scandale, que nos actes soient connus du plus grand nombre. Qu’à travers le mensonge régnant, on arrive à faire savoir à des inconnus, que l’on peut faire autre chose que s’ennuyer au travail, sur sa planche à voile ou en regardant la télé.
Les Amis du Chevalier de la Barre.
[(Saga
Je pris, après six jours de réflexion, le parti de faire le mal par dessein, ce qui est sans comparaison le plus criminel devant Dieu, mais ce qui est sans doute le plus sage devant le monde.
Cardinal de Retz.
19 février 1989 : dans la nuit, la gigantesque croix qui triomphe en haut du pic St-Loup, à 80km de Montpellier, est mise à bas.
Nuit du 4 aoà »t 1989 : en un clin d’œil, lors de la célèbre nuit de l’abolition des privilèges, un groupe de statues du chemin de croix de Rocamadour, à 40km de Brive, est décapité.
Novembre 1989 : tentative de déstabilisation de l’arrogance nucléariste, à la centrale nucléaire de Golfech, à 80km d’Agen. Envoi d’une lettre de menace de sabotage à la direction de la centrale. Copie de cette lettre est envoyée à Libération, au Canard Enchaîné et à Mgr Lustiger. A chacun de ces quatre envois, et en guise d’authentification, est jointe une tranche de tête provenant d’un des décapités de Rocamadour. Quelques jours plus tard, un cadre de la centrale de Golfech, dans une lettre ouverte au public, fait part de son inquiétude aux autorités.
28 avril 1990 : au pied de la Basilique de Montmartre, le socle de la statue du chevalier de la Barre demeure désespérément vide depuis de nombreuses années. Au petit matin, dans les brumes parisiennes, les «  Amis du Chevalier de la Barre  » scellent sur le socle une des têtes de saints décapités à Rocamadour, et apposent une plaque rappelant les actions entreprises.
4 juillet 1990 : une tête décapitée à Rocamadour et une plaque commémorative sont apposées en un lieu discret, déjà consacré par des libres penseurs du début du siècle à la mémoire du chevalier de la Barre. Qui trouve où, a gagné !)]
[Extrait de Mordicus n°2, janvier 1991.]