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Uruguay : Au sujet des attaques contre le mouvement anarchiste àMontevideo

vendredi 27 septembre 2013

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En l’espace d’une semaine et demi 14 compagnon·ne·s ont été arrêté·e·s, sans compter les écoutes, filatures, tentatives d’expulsions et attaques contre le mouvement anarchiste de Montevideo. Rien de cela ne nous fait peur, ça ne fait que nous rendre plus forts. Ils s’en prennent ànous parce que nous dérangeons. Si nous dérangeons les puissants et leurs collaborateurs c’est que nous faisons bien les choses.
Il y a une guerre sociale qui passe par différentes phases. Les puissants le savent, nous aussi. La presse le cache, souffle sur le cerf-volant du capital, imposant l’idée d’une démocratie rance qui ne respecte pas ses propres mensonges les plus répétés, sécurité, droits de l†homme, justice … Au milieu de tout ça le coup de gueule fait son chemin.

Le gouvernement des tupamaros torture. Est-ce une nouveauté ?

L’État qui occupe le territoire uruguayen n’est pas étranger àla peur et aux tentatives de redoubler le contrôle sur la population que mènent àbien les différents gouvernements progressistes de la région (souvenez-vous des rencontres de sécurité et “d’anti-terrorisme†du Mercosur). Le fantasme du printemps arabe est une peur lointaine mais qui palpite et le Brésil devient un cauchemar pour la clique patronale. Quel est le cauchemar des démocrates, extrémistes, radicaux du pouvoir et autres fascistes ? La révolte, l’insurrection qui lorsqu’elle se réveille semble ne pas pouvoir être contrôlée. Une rage qui ne peut pas être calmée par le football ou le shopping. C’est làqu’apparaissent ceux qui font le “travail sale†de Bonomi, Tabaré et Mujica, les forces de l’ordre au service de leur autorité. C’est làque les mercenaires élevés par la droite et spécialisés par la gauche du pouvoir sortent pour attaquer.

Les violents, cagoulés, anarchistes.

Des mots vides de sens ont rempli la bouche des journalistes ces jours-ci. Les anarchistes ci, les anars ça, les tactiques de violence urbaine, les minorités, etc... Les violents du 14 aoà»t, les radicaux qui s’infiltrent partout, jusque dans le groupe d’ultras de Peñarol (comme si dans ce groupe il n’y avait pas assez de sentiment anti-flics pour que les acrates doivent l’infiltrer). De tous les côtés l’union entre la répression policière, la coordination politique et la présentation par la presse. L’attaque a plusieurs pointes. L’État se défend en définitive. Mais de quoi ? De quoi se défend l’État ? Aujourd’hui, toute la troupe qui maintient l’ordre existant (la presse, la police, les militaires, les politiques et autres privilégiés) se conjugue àl’abri d’un niveau inédit de consensus entre la droite et la gauche en ce qui concerne le renforcement du développement capitaliste. Au delàdu jeu électoral, les bases importantes du développement du capital dans la région ne sont discutées par aucun des partis. La megamineria [technique d’extraction minière très dévastatrice et polluante, NdT], l’afforestation, la coordination, enfin, pour l’instauration du plan IIRSA [1] et autres plans, leur grande coordination politique, économique et militaire suit son chemin. Il est donc nécessaire d’arrêter et d’éviter toute résistance, tout germe de résistance. Il est nécessaire d’arrêter ceux qui ne négocient pas, les “violents†.

Un pas de plus …

Et que dire de la violence ? Ce n’est pas un “choix politique†comme le croient les sociologues intellos. Pas du tout. Ce n’est pas un choix, et ce n’est pas du tout politique. Le choix que nous faisons c’est celui d’essayer de vivre de l’unique manière qui nous semble digne, libre. Le choix de ne pas se taire, celui de faire quelques chose lorsque nous voyons que ça va mal et que ça va empirer. Nous choisissons de résister, nous choisissons de nous défendre.
Ici (au delàdu jeu préféré de la presse, des dirigeants syndicaux et autres politiciens) il n’y a pas de violents et non-violents, de bons et de mauvais, et autres catégories du pouvoir. Celui qui ne s’est jamais énervé, qui n’a jamais eu envie de résister àla misère, de s’opposer et de réagir devant tant de saloperies ne doit simplement pas avoir de sang dans les veines. Qui ne s’énerve pas en ayant connaissance des trafics des flics avec la pasta base [2], la misère du travail ou le goà»t de l’eau de l’OSE [Å’uvres Sanitaires de l’Etat] ? La violence dans ce monde capitaliste est naturelle, la résistance contre celui-ci est une nécessité vitale.

Et un autre…
Nous ne nions pas, jamais nous ne l’avons fait, nos crimes. Nous voulons et promouvons la liberté, et ça c’est une grand crime contre le pouvoir. Nous ne voulons et ne promouvons pas l’étiquette de la liberté, abstraite, utilisable et manipulable par n’importe qui. C’est pour cela que nous pratiquons la solidarité, l’entraide, la réciprocité, la résistance et c’est cette pratique qui inévitablement produit des conflits dans un monde qui se démène ànier encore plus chaque fois, étage après étage, que nous sommes en train de tomber. La culture de la peur ne peut pas, n’a pas pu et ne pourra pas nous faire peur même si elle essaie. D’où les insultes, les menaces de torture et de viol, d’où le flingue pointé sur la tête d’un compagnon dans le commissariat, la mise ànu obligée et les coups. D’où l’acharnement.

Et illes se demandent : pourquoi illes sourient ?

Nous n’avons pas un monument avec le nom de nos martyrs. Si nous dénonçons un autre coup contre le mouvement anarchiste c’est pour montrer, pour continuer de montrer, ces coups dont nous souffrons généralement dans nos quartiers et que la police a l’habitude de passer sous silence. Nous savons parler, nous le faisons bien et nous sommes suffisamment libres et forts pour ne pas nous taire. La raison de coups continuels et nombreux contre le mouvement correspond àune augmentation que le pouvoir n’a pas pu freiner même s’il a essayé. Ça correspond àla perte de la peur et l’abandon de la confiance qu’une part de la société avait offert aux gouvernements progressistes. Nous sommes durement traités parce que le gouvernement a du donner carte blanche face àla présence qui a supplanté le parlementarisme dans les rues. Devant l’action directe qui ne cherche aucun compromis, qui ne demande rien. Nous sommes traités avec fermeté parce que cette façon de s’auto-organiser qui développe un vrai dialogue, entre personnes égales et pas avec des politiques ou hommes d’affaires, s’est répandue. Nous sourions parce que le vent va dans notre sens et que nous savons nous défendre.

Le miroir du pouvoir

Partout où ils regardent ils se cherchent eux-mêmes. Dans leurs interrogatoires lorsqu’ils ne se basent pas sur la simple insulte ou la menace, ce qu’ils cherchent c’est eux-mêmes et leur nécessité de chefs, de quelqu’un qui leur dise ce qu’ils doivent faire. Le pouvoir a besoin d’ennemis et ça ne lui sert àrien que ceux-ci ne ressemblent pas àdes terroristes, qu’ils ne cherchent pas àgouverner ou qu’ils n’aient pas de chefs. Le manque de respect un peu partout dans la société ne peut venir, pour les services de renseignement, que d’un seul groupe de personnes, ils ne peut pas ne pas y avoir de chefs ou ne pas y avoir une grande structure organisée pour insuffler la terreur. Mais nous qui sommes dans la rue nous savons que la croyance socials s’est terminée et que les compagnon·ne·s sont nombreux·ses et ne répondent pas du tout àla logique des partis. Tant pis pour eux, mais c’est comme ça.

Nous, les anarchistes, ne sommes pas ceux qui maintiennent un système de santé qui génère mort et problèmes sanitaires, nous ne faisons pas de méga opérations dans les quartiers pauvres, nous ne faisons pas avancer le pillage et la destruction de l’environnement et nous ne sommes définitivement pas ceux qui maintiennent le marché de la pasta dans les quartiers. Nous ne disons pas aux jeunes qu’ils ne sont rien s’ils ne portent pas telle marque de fringue et nous ne construisons pas des prisons pour ensuite les y empiler.
Mais nous ne sommes pas non plus des citoyens obéissants, nous ne le sommes pas, nous n’avons jamais fait partie de ceux qui oublient, nous faisons partie de ceux qui ont toujours combattu, et nous sommes frères/sœurs de ceux/celles qui se battent en ce moment dans n’importe quel endroit du monde contre un système qui nie la vie. Nous développons et nous continuerons de développer la rébellion pour obtenir toujours plus de liberté. Ils ont voulu sortir les pauvres de la vue des touristes en créant une illusion de vente mais ici nous ne sommes pas tous/toutes client·e·s ou soumis·e·s. On ne peut pas plomber tout le monde. Tout le monde ne se rend pas.

Des Anarchistes
Montevideo, aoà»t-septembre 2013.

[Traduit de l’espagnol de Anarquía par Contrainfo et revu par nos soins.]


[1Initiative pour l’Intégration de la Région Sud-Américaine : plan de développement d’infrastructures entre plusieurs pays d’Amérique du Sud pour faciliter l’exploitation des ressources, leur transport, etc... Ce projet comprend celui, très contesté, de la construction d’une route traversant le parc du TIPNIS en Bolivie.

[2La pasta base est une drogue pas cher àbase de cocaïne qui se fume.