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La chasse àl’autonome est ouverte !

Tract diffusé par « Des prolétaires de Basse Loire  », mi-1979

vendredi 22 mai 2015

À la suite de la manifestation des sidérurgistes àParis, qui a été l’occasion pour de jeunes, et moins jeunes, prolétaires d’exprimer leur haine du vieux monde, les médias, « l’Humanité  » comprise, se sont déchaînés contre les « autonomes  », fauteurs, paraît-il, de l’émeute qui a pris de court la police syndicale. Le spectre des « autonomes  » trouble aujourd’hui le sommeil des bourgeois comme, hier, celui des « maoïstes  » et l’Etat leur fait jouer le même rôle, celui de boucs émissaires, et les désigne de la même façon : de « dangereux individus  » qui sont toujours prêts àfaire sauter des bombes quelles qu’en soient les conséquences. Alors, mieux vaut les surveiller de près et même les neutraliser àtitre préventif pour éviter les passages àl’acte. Il en va de la sécurité des citoyens, c’est-à-dire de celle de l’Etat.

Depuis dix ans, c’est toujours le même discours qu’il nous sort dès que les luttes sociales reprennent du poil de la bête, actuellement du côté de la sidérurgie. Au lendemain de la grève générale de Mai 68, après le temps des « Â classes dangereuses  » vint celui des « Â milieux dangereux  ». Rappelons-nous : en France, l’Etat ne prenait même plus de gants, et la démocratie apparaissait pour ce qu’elle est réellement : la dictature du capital. Depuis lors, révolutionnaire, ou supposé tel, tu es pourchassé non pas tant pour ce que tu fais mais pour ce que tu es ou ce que tu peux devenir. L’Etat fait ton éducation de citoyen par la trique. La loi de Marcellin la Matraque, qui a instauré la responsabilité collective des actes dans les manifestations, ne fait que sanctionner ce qui constitue le véritable fond du code pénal dès que l’Etat pense, àtort ou àraison, qu’il y a péril en la demeure : la sanction du degré de dangerosité individuelle et collective.

Tu t’es fait contrôler en manifestation au cours de laquelle il y a eu de la casse. Tu n’as rien fait mais tu es fiché aux Renseignements généraux. T’es bon pour la procédure de flagrant délit avec, en prime, trois mois fermes au minimum et six mois avec sursis. C’est le tarif pour l’innocent afin de le dissuader de devenir coupable et pour faire peur àceux qui appartiennent aux mêmes « Â milieux  ». Tu parles d’insurrection par voie de presse et tu appelles des prolétaires às’organiser dans ce sens. Tu rappelles que d’autres, au nom de Marx, de Bakounine, etc. font de même depuis Mai 68. Tu tombes sous le couperet de la célèbre loi de 1934, destinée officiellement àmettre hors la loi les Croix de feu et les autres groupes fascistes « Â factieux  » de l’époque. Reconduite par tous les partis et tous les gouvernements depuis le Front populaire, la loi sanctionne « Â la reconstitution de ligue antirépublicaine  » et elle a été utilisée la plupart du temps pour interdire et condamner des activités révolutionnaires, ou présentées comme telles par l’Etat. Grâce àelle, ça peut être l’aller simple pour la Cour de sà»reté de l’Etat au motif « Â d’incitation àla destruction des institutions républicaines  », avec trois ans au minimum. Comme pas mal de « Â maoïstes  », il y a àpeine six ans, même en l’absence d’actes prouvés.

Alors, rien d’étonnant que de présumés « Â casseurs  » parisiens soient embastillés par les juges du Palais dans le cadre de la loi Marcellin. Rien d’étonnant aussi que les sidérurgistes qui ont ravagé le centre de Sedan il y a quelques mois – attaques de commissariats, incendies de perceptions, saccages du siège local du patronat, destruction de vitrines des locaux syndicaux, etc. – soient libérés avec quelques mois de sursis au maximum sans être stigmatisés comme « Â autonomes  ». Du côté de Longwy, ça n’aurait pas marché. Idem pour Paris, lorsque les plus furieux d’entre eux ont saccagé l’avenue de l’Opéra. Pour l’Etat démocratique, la moindre des choses, c’est de ne pas mettre tous les Å“ufs dans le même panier. Mais de diriger la vindicte populaire contre des individus qu’il présente comme les fauteurs du « Â chaos  ». Afin de les isoler et d’entraver toute possibilité de jonction et de généralisation de la lutte.

En tout cas, « Â autonomes  » ou pas, l’Etat traite toujours en ennemis ceux qui s’en prennent résolument àla société qu’il défend. Solidarité avec ceux qui sont tombés ! De leur liberté dépend aussi la nôtre !

[Tract diffusé par « Des prolétaires de Basse Loire  », mi-1979.]