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Grèce : Murs visibles et invisibles - une critique de la Conspiration des Cellules de Feu

samedi 8 février 2014

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Le but de ce texte est d’une part de décrypter le discours qui restructure le quotidien sur la base des animosités personnelles, et d’autre part de contribuer àune critique et un (ré)examen des faits et de nos idées, vers un dépassement des problèmes chroniques du mouvement anarchiste.
Il est difficile de résister àl’impulsion naturelle de répondre au dédain insidieux par des manières qui sont contraires ànos idéaux. Mais en embrassant notre chemin anarchiste insurrectionaliste, nous avons sacrifié beaucoup et nous n’avons pas pour but de brader nos valeurs. Nous répondrons donc une fois de plus au mépris par le respect qui convient entre anarchistes révolutionnaires. Au lieu de la langue stérile, intrigante, injurieuse et méprisante des sous-entendus qui alimentent les ragots et présument l’inimitié, nous parlerons la langue claire de la critique constructive.

Une réponse aux références péjoratives envers nous

Tout d’abord, précisons que nous n’avons pas conservé la fausse carte d’identité sur laquelle se base la dernière détention préventive de G. Tsakalos pour des raisons muséographiques, mais parce que nous la croyions encore utile [1]. Sévère erreur que la nôtre, mais que nous avons commise en ayant justement conservé des liens de compagnons avec des membres de la CCF car nous pensions encore possible qu’ils sortent de prison, bien que ces derniers prétendent que nous avions coupé tout contact un an auparavant !

Le fait que nous nous soyons retrouvés dans une maison pour laquelle nous n’avions pas de plan prêt pour la vider en cas d’arrestation est une deuxième erreur indéniable que nous avons faite, par conséquent nous assumerons une critique (même publique) là-dessus.

D’ailleurs, personne ne s’est retrouvé en prison de par sa propre volonté, mais àcause d’erreurs, de négligences, de vantardises. Parce que tout simplement celui qui ne fait rien ne fait pas d’erreurs. Nous en assumons les conséquences légales comme une continuation normale de notre choix de nous tenir face àl’État et àla politique diffuse de l’autorité, choix qui inclut aussi nos erreurs qui nous coà»teront autant ànous qu’ànos compagnons.

Par exemple, nous n’avons jamais pensé àimputer les mandats émis contre nous aux fautes techniques des filatures des membres de la CCF, au contraire de G. Tsakalos qui dans sa référence ૠ l’incompétence ou l’indifférence  » et au refus de reconnaître nos identités comme celles d’anarchistes captifs, utilisant le terme « Â individu  », trahit l’animosité et la malignité. Le faux-semblant de la critique s’effondre, tandis qu’il semble clair combien est hypocrite la justification de cette référence honteuse par un conseil aux jeunes compagnons.

Des choses simples. G. Tsakalos utilise une faute technique pour nous attaquer publiquement de manière pauvre et apolitique, àcause de conflits et de ruptures politiques et personnels. Il est vraiment contradictoire que la même CCF utilise une « Â critique sur les erreurs  », de la même manière que celle-ci a visé les exemples d’inaction et de passivité, en planchant sur les arrestations de ses membres, en particulier quand dans son dernier texte elle cloue impitoyablement au pilori de telles pratiques.

Juste pour l’histoire, nous pensons que dans une rupture les deux camps font des erreurs et qu’ils en portent la responsabilité. Lors d’un échange dialectique, il y a eu des choix et positions de la CCF qui ont influencé àun haut degré nos propres décisions, tout comme le contraire bien sà»r. Naturellement, n’importe quel détail sur cette rupture n’a pas sa place dans un texte public, mais afin d’éviter la confusion et de contredire les a priori, nous voulons préciser que nous avons incontestablement une grande part de responsabilité.

Le remaniement du discours de propagande

Une technique réitérée de propagande est la mise en avant des seules données positives de l’organisation et l’occultation soigneuse des points négatifs, combinant l’accentuation ou encore l’invention de données négatives àpropos de ses opposants. Comme par exemple dans le dernier texte de l’organisation où, utilisant la langue de la confusion, elle homogénéise dans un amalgame toutes les idées anarchistes qui se démarquent de ses positions, même si celles-ci s’opposent entre elles. Dans ce cadre, en-dehors du fait que nous sommes mentionnés comme co-accusés de ses membres dans le procès des 160 attaques [2], elle nous impute des conceptions auxquelles nous sommes pourtant hostiles (par exemple la séparation de la guérilla et du mouvement), concluant en sous-entendant que nous prétendons que nous sommes innocents sur la base de leur culpabilité !

Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase et nous nous devions de répondre en écrivant ce texte. Parce que nous, nous avons seulement assisté àla première audience de ce procès et nous sommes partis après avoir lu une déclaration dans laquelle nous avons notamment exprimé notre hostilité envers le tribunal, que nous faisions partie de l’action anarchiste et de sa forme de guérilla, et nous n’avons même pas dit si nous étions ou non des membres de la CCF... Jusqu’àmaintenant, nous n’avons pas été présents àce procès et nous n’avons pas pris d’avocats, avec pour résultat que des commis d’office désignés par le tribunal nous « Â représentent  », procédure àlaquelle nous ne pouvons échapper. Si par hasard nous faisions une quelconque intervention, comme àchaque procès, elle serait toujours àcaractère politique et jamais légal.

Au cas où cette confusion n’ait pas été faite consciemment, nous précisons qu’il en va de la responsabilité de l’organisation de s’exprimer clairement, mais tout porte àcroire qu’il s’agit d’une manÅ“uvre de propagande de plus. Comme toutes les autoréférences verbales sans aucune trace de véritable autocritique.

Des dipôles et des séparations...

Le dipôle « Â innocent-coupable  » est un produit du pouvoir pour faire naître des séparations. Ces dernières années malheureusement, la tendance néo-nihiliste, au sein de laquelle la CCF et une partie des anarchistes solidaires s’insèrent, l’a aussi adoptée, reproduisant les séparations qu’introduit en particulier l’État entre les anarchistes. Nous, comme nous l’avons déjàdit, nous ne répondons pas aux dilemnes-pièges.

Quant aux sous-entendus cachés nous montrant comme des lâches qui supplient, qui ne soutiennent pas leurs choix, etc., nous ne savons que répondre. La position et la vision de chacun d’entre nous sont publiques et chaque personne intelligente peut en juger. Nous n’allons pas rentrer dans un processus visant àprouver que nous ne sommes pas des éléphants.

Au-delàde la restructuration de la propagande, continuons par une critique plus substantielle. Non, nous ne rentrerons pas dans une guerre de la boue, nous ne rendrons pas les coups sous la ceinture.

Le problème se trouve dans la logique du mètre-étalon anarchiste. C’est-à-dire dans le fait que quelques uns aient besoin de se faire les dépositaires de la pureté anarchiste. Une pureté qu’eux-mêmes sont de toute façon incapables de respecter.

La critique envers des anarchistes n’est pas fructueuse quand elle n’est pas aussi autocritique, quand elle ne s’inscrit pas dans la recherche de l’amélioration et de l’auto-développement, mais qu’elle sème les séparations pour récolter l’auto-confirmation. En fin de compte, le plus dangereux dans la propagande néo-nihiliste est l’autosuggestion que crée l’auto-proclamation d’un anarchisme parfait, rendant l’autre sans valeur.

Parce que, par exemple, étant détenus depuis 9 mois, nous savons que pour chaque anarchiste qui est envoyé en prison, il y aura des moments où ses pratiques seront « Â contraires  » àses valeurs. Tous feront comme s’ils n’avaient rien vu àun moment ou àun autre, toute dignité sera « Â froissée  », tous considéreront le maton qui ferme les cellules comme une procédure parfaitement naturelle. Car tout simplement nous trouvons la force de ne pas faire certains compromis, mais pas pour tous. C’est exactement àcause de cela que ni nous ni personne d’autre n’est pur. Et ceci ne veut pas non plus dire qu’un compromis te classe automatiquement comme une personne qui se complait avec le monde de l’autorité.

Ce n’est pas la première fois qu’un collectif agit en fonctionnant comme le dépositaire de l’anarchie. Surtout auparavant, mais aussi plus récemment, le Rassemblement d’Anarchistes [groupe anarchiste athénien] a impitoyablement calomnié ses opposants politiques au sein du mouvement. Le point commun est que certains révolutionnaires considèrent que leur riche histoire de lutte fait d’eux des juges suprêmes. La différence est que la « Â critique  » de la CCF ne prétend même pas « Â viser des logiques et non des individus  ». Elle fait face aux personnes qu’elle critique comme étant figés, sans reconnaître leurs contradictions internes, et ne peut donc que jeter ceux-ci àla poubelle. C’est précisément cette logique-làqui a conduit les membres de l’organisation àpenser que la société en bloc est autoritaire, le milieu anarchiste misérable dans sa totalité et leurs propres personnes parfaites.

Ils se privent de la capacité de s’auto-critiquer et sont incapables de voir la fluidité des tendances du pouvoir ou de l’anarchie, autant dans la société que dans le milieu duquel nous venons et auquel nous sommes de facto liés. Jusqu’àmaintenant, la pensée de la CCF s’est appuyée sur la séparation et l’opposition aux gens vus comme des blocs monolithiques, au lieu de rechercher les points de convergence, làoù on pourrait aller dans une même direction, et dans le même temps une critique/autocritique substantielle visant le développement et l’auto-développement. Ainsi, ils creusent la tombe de l’auto-isolement.

…au rétablissement de comportements hiérarchiques

Le résultat de cette logique de séparation qui cherche partout des ennemis ainsi que du manque de compréhension de la communauté de lutte est que les liens de solidarité de l’organisation sont marqués par son introversion. Sa conséquence directe est la tentative continuelle de s’imposer, au lieu de rechercher des éléments d’association devant n’importe qui de différent.

Naturellement, si nous nous étions coupés de ces éléments au sein de notre critique et que nous avions dissimulé toute l’histoire de lutte de l’organisation, ce serait comme si nous avions mordu àl’appât de l’opposition ennemie vicieuse qui renferme la logique de la séparation. Nous ne croyons donc évidemment pas que l’organisation ait cessé d’être anarchiste, la mentalité du désaveu ne nous correspond pas. Nous reconnaissons le fait que les individus qui la composent ont identifié leurs personnes avec l’action anarchiste insurrectionaliste, osant et réussissant des choses importantes, d’attaques réitérées contre des cibles symboliques de la domination au choix de la revendication qui leur coà»te de lourdes peines. C’est en outre pour cela que nous avons choisi de nous y associer pendant une certaine durée, sans tenir compte des conséquences légales.

Le fait de s’en occuper aussi de manière critique exprime précisément cette appréciation, alors que nous ne nous sommes pas donné la peine de répondre aux calomnies qui s’en prennent ànous de la part de ces individus que nous dédaignons.

Ainsi, nous ne pensons pas que la partie critique ci-dessous exprime pleinement la logique de l’organisation, mais bien une tendance de sa mentalité face àlaquelle nous tirons la sonnette d’alarme.

Pour finir, le point essentiel de notre critique porte sur l’obstination àaccumuler une validité par des moyens et manières contraires aux valeurs anarchistes telles que nous les concevons. Comme cela a déjàété écrit, les moyens ont une relation dialectique avec le but, ils ne sont pas sanctifiés par ce dernier. Quand des pratiques de domination sont utilisées, elles révèlent donc des buts autoritaires. L’histoire a connu assez de pouvoirs révolutionnaires – n’oublions pas que la plupart des puissantes démocraties sont le fruit de l’évolution de régimes révolutionnaires – et un pouvoir « Â anarchiste  » ne ferait pas de différence.

Une telle chose ne s’accorde naturellement pas avec l’optique anarcho-individualiste de l’organisation, tout comme la relation de pouvoir qui, bien qu’elle renforce en apparence le dominant, n’a de cesse de le déterminer, au contraire de la relation anarchiste, laquelle comprend tous ses membres.

Voyant nos anciens compagnons s’éloigner progressivement des valeurs anarchistes évidentes, nous leur rappelons la fin de la ferme révolutionnaire des animaux d’Orwell, où les animaux révoltés qui avaient fait face aux oppresseurs humains ont fait l’erreur de désigner des chefs. Leurs chefs se sont progressivement transformés en humains...

Dimitris Politis
Giannis Michailidis

Prison de Korydallos
Novembre 2013

[Traduit du grec par nos soins de Indy Athènes.]


[1Les flics avaient retrouvé, dans un ancien appartement que les compagnons arrêtés pour le double braquage de Kozani n’avaient pas vidé (ce qu’ils considèrent comme une erreur) une fausse carte d’identité qu’ils avaient préparée pour G. Tsakalos (membre des CCF emprisonnés) si celui-ci sortait de prison.

[2(le dernier procès de la CCF)