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Belgique : Face àla guerre et l’état de siège, rompons les rangs (et pendant ce temps là…)

dimanche 6 décembre 2015

État de siège àBruxelles. Des centaines de militaires postées dans la rue, des milliers de policiers sillonnent les rues de la capitale européenne. Écoles et universités sont fermées, le réseau des transports est quasiment paralysé. Les rues sont de plus en plus désertes, la peur hante les esprits. Les contrôles dans la rue se multiplient et se font avec la mitraillette sur la tempe. Si l’espace est saturé par les forces du pouvoir, les esprits le semblent également. Et c’est peut-être encore pire.

Les temps où les États européens pouvaient faire la guerre ailleurs dans le monde àcoups de frappes, d’occupations, d’ouverture de nouvelles marchés, d’exploitation sauvage et de pillage des ressources tout en préservant ses territoires d’actes de guerre si peut-être pas exactement pareils, en tout cas suivant la même logique, semblent révolus. La guerre a frappé la capitale française en plein cœur, et elle ne disparaîtra pas furtivement. Et toute logique de guerre préconise de frapper dans le tas. Comme le font les États depuis leur existence, contre leurs propres sujets et contre les sujets d’autres États. Comme l’ont fait et le font tous ceux qui aspirent àconquérir le pouvoir, àimposer leur domination. Qu’elle soit islamique ou républicaine, démocratique ou dictatoriale. Car c’est en piétinant la liberté, la liberté de chaque individu, que s’installe la domination. Autorité et liberté s’excluent mutuellement.

A la guerre comme àla guerre donc. La saturation des esprits par le discours du pouvoir élimine les espaces de lutte pour l’émancipation humaine, ou les pousse en tout cas vers la marge, encore plus qu’ils l’étaient avant. La mobilisation se veut totale. Avec l’État ou avec eux – et ceux qui aspirent àtoute autre chose, qui se battent contre l’oppression et l’exploitation, tous ces milliers et milliers de rebelles et de révolutionnaires qui ont été assassinés et massacrés par les États établis ou en construction, qui sont poursuivis aux quatre coins du monde, doivent se considérer désormais hors jeu. Sur l’autel du pouvoir déjàtotalement trempé de sang, des milliers d’autres attendent leur tour d’être sacrifiés.

Qui est responsable ? Faut-il rappeler où ont été produits les bombes au phosphore qui ont brà»lé Fallujah, qui a livré les technologies informatiques aux services secrets des régimes d’Assad, de Sisi, qui a entraîné les pilotes qui ont bombardé Gaza ? Faut-il rappeler comment sont extraits le cobalt et le silicium pour les choses technologiques des profondeurs de l’Afrique, de comment sont produits tous les produits de consommation qu’on trouve dans les rayons des supermarchés et des magasins ? Faut-il rappeler comment le capitalisme civilisé gère ses centaines de camps de travail, de Bangladesh jusqu’en Mexique ? D’où viennent les sinistres ombres des drones qui frappent partout dans le monde ? De comment et au nom de quoi sont noyés depuis des années des milliers de personnes dans la Méditerranée ? Alors, dites-le, qui est responsable ?

Mais si nos yeux de révoltés regardent àjuste raison vers le haut pour trouver la réponse, il faudrait qu’ils regardent aussi àl’intérieur de nous-mêmes. Car dans les temps àvenir, et déjàdans les temps qui sont et qui étaient, c’est par notre passivité que nous sommes rendus complices de notre propre oppression. Et cette passivité n’est pas seulement l’inaction des bras, c’est aussi le projet d’abrutissement programmé depuis des décennies par le pouvoir qui nous a privé des outils pour comprendre la réalité, pour comprendre notre rage. Qui nous a privé de toute sensibilité qui ne soit pas décrété en fonction des nécessités du moment, de toute capacité de rêver. C’est de là, de ce programme de réduction de l’homme, que sortent aujourd’hui ceux qui se décident àfaire des carnages, àparticiper au jeu de pouvoir, àmassacrer eux aussi. Il serait stupide d’avoir cru que leurs carnages allaient viser les puissants et leurs structures. La guerre moderne dans le monde hypertrophié de technologie et de massacres àdistance ne permet plus de telles subtilités, si jamais de telles subtilités ont pu exister dans la tête des hommes en guerre.

Dans les quartiers de Bruxelles, aujourd’hui sous occupation militaire, il faut le dire, tout a été utilisé pour faire tampon àla révolte sociale, pour faire amortisseurs de la rage contre un monde affreux et cruel. Que ce soient les cours de citoyenneté et de promotion de la démocratie (tout en larguant des bombes), que ce soient les mécanismes de contrôle offerts par la religion, que ce soit le dopage massif par les choses technologiques : tout plutôt que la révolte. Et parfois ce jeu échappe aussi des mains du pouvoir, comme cela arrive aujourd’hui. Et làarrivent les frappes dans le tas. D’autant plus si apparaît la fiction d’une récompense céleste, qui a su tenir depuis des siècles et jusqu’àaujourd’hui, des millions d’esclaves en attente de la rédemption promise sous le joug. Quelque part, les décennies que l’État belge a utilisé l’islam pour calmer les esprits, pour garder le contrôle sur les communautés des exclus, pour gérer les contradictions sociales se retournent aujourd’hui contre lui. Mais peut-être encore plus contre la possibilité et la perspective de la révolte libératrice.

Face àla militarisation de l’espace et la militarisation des esprits, face àla guerre dans laquelle les États et les aspirants-puissants nous entraînent ; et en sachant qu’on sera de plus en plus poussé vers la marge, l’effort devrait se concentrer sur le refus absolu d’entrer dans le jeu. Et ce refus implique aussi le rejet des règles qu’ils sont en train d’imposer. Ne pas faire du bruit aujourd’hui. Rester chez vous et donc dans les rangs. Céder la place aux terroristes de la démocratie et aux terroristes du califat. Qu’il sera difficile de percer cette occupation et de briser les règles de ce jeu est hors de doute. Le choix du déserteur, de celui qui refuse de faire la guerre pour les puissants, l’a toujours exposé àmille et une répressions. Mais qui sait si àla marge, on trouvera d’autres rejetés, d’autres déserteurs, d’autres exclus, d’autres sacrifiés avec qui saboter la guerre en cours et lutter, àcorps perdu, pour des idées réfractaires àtout pouvoir. Qui sait si dans cette marge, dans ce coin, la fière internationale, défiant toutes les autorités, renaîtra au milieu d’un monde déchiré par la guerre civile ?

Si la dernière chose àlaquelle on renoncerait maintenant, c’est justement le désir de la liberté et le rêve capable d’aiguiser notre esprit, de faire palpiter notre cÅ“ur et d’armer nos mains, il faut en même temps faire l’effort de regarder la réalité en face. Les espaces se rétrécissent, le sang coulait déjà, coule aujourd’hui et coulera davantage, le combat pour la liberté et la révolution a sans doute des temps difficiles devant lui. Les conditions dans laquelle doit se développer la lutte révolutionnaire se détériorent et après le massacre des soulèvements populaires des dernières années dans nombreux pays, vient aussi pour nous qui se trouvent sur le continent européen le moment où chacun et chacune devra affronter une question possiblement terrible en conséquences, mais riche en défis : est-ce que malgré tout, nous sommes prêts àlutter pour la liberté ?

Des anarchistes,
Bruxelles, 23 novembre 2015.


Et pendant ce temps là...

Saturation de flics, mais...

Si les quartiers de Bruxelles sont saturés de flics et de militaires au prétexte d’une "menace", un flic qui s’aventurait àSaint-Gilles s’est heurté àune dizaine de personnes traînant sur le square Jacques Franck. Il a été mis àterre et roué de coups. Avant l’arrivée de renforts, tout le monde s’est éclipsé.

Y en a marre des flics partout, des flics tout court.


[...] Deux actes de sabotage, dans la nuit du 29 novembre au 30 novembre.
Le premier était un sabotage, en quatre points différents, du réseau international des trains àhaute vitesse (TGV, Thalys, Eurostar). En boutant, près de Ath dans le Hainaut, le feu aux câbles de fibre optique le long des voies ferrées, toute la circulation de ces trains est restée paralysée pendant plus d’un jour. Un jour où les délégations internationales et les ministres qui devaient se rendre àParis pour un sommet sont restés bloqués, où les cadres d’entreprises, les eurocrates, les directeurs sont restés coincés dans la gare àregarder les écrans annonçant les suppressions de leurs trains. Ce sabotage nous montre qu’avec des moyens faciles, il est toujours possible de couper les artères du pouvoir et de ses hommes, de ses réseaux de transport et de données. Et c’est dans le désordre que cela génère que s’ouvrent des espaces qui ne sont pas saturés des discours du pouvoir, des espaces où la liberté peut prendre son envol.
Le deuxième sabotage ne visait pas moins que la caserne militaire des forces spéciales de l’armée belge et du renseignement militaire àHeverlee dans le Brabant flamand, une des plus importantes de la Belgique. Le(s) saboteur(s) y pénètrent protégés par la nuit, esquivant systèmes de contrôles et patrouilles, pour piéger cinq véhicules militaires avec des bombes incendiaires artisanales. Le système d’allumage ne semble s’être pas déclenché, mais le message ne peut être plus clair : vous occupez les rues de Bruxelles, massacrez dans différents pays du monde des gens sur ordre de l’État, semez la terreur avec vos uniformes, vos blindés et vos armes de guerre, mais vous ne serez jamais àl’abri d’un acte de sabotage. Un acte singulier a réussi àentacher, ridiculiser l’aura de l’armée et son grand maître, l’État, et cela en pleine période d’état d’urgence. Un acte qui quelque part propose àtous ceux qui sont las de leurs guerres de s’attaquer directement où elles sont produites : dans les casernes, dans les entreprises d’armement et de sécurité, dans les centres de recherche technologique. Un acte qui ne peut qu’être celui du déserteur de toutes les guerres, mais qui ne renonce pas pour autant àla guerre sociale contre la guerre du pouvoir. [...]


[Repris de La Cavale.]