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En silence nous rugissons

A propos de la résistance anarchiste au Grand Jury dans le Pacific Northwest américain

mercredi 12 septembre 2012

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Voici la traduction d’un tract diffusé depuis plusieurs semaines dans la région de Seattle, la plus grande ville de l’État de Washington et du nord-ouest américain, mais aussi ailleurs aux États-Unis. Pour plus d’information sur le contexte de cette dernière vague de répression massive contre les anarchistes du Northwest américain, on pourra se rendre ici. Pour plus d’informations sur ce que sont les Grand Jurys et la Joint Terrorism Task Force (JTTF), voir les encadrés àla fin de cet article.

À la fin de Juillet de cette année, des anarchistes de Portland (Oregon), Seattle et Olympia (Washington) ont été assignés àtémoigner pour un Grand Jury. Certaines personnes ont reçu leur assignation et comparaîtront le 13 Septembre, tandis que d’autres ont évité l’assignation, ce qui signifie qu’ils ne sont pas légalement tenus de comparaître, et ont choisi de faire profil bas pendant la durée du Grand Jury. Conjointement avec la vague de citations àcomparaître, le FBI et la Joint Terrorism Task Force (JTTF) ont fait une descente dans trois maisons anarchistes connues de Portland.

Bien que les raisons d’un Grands Jury ou les témoignages qui y sont faits ne sont pas publics, le but de ce Grand Jury semble être une enquête sur ce qui s’est passé dans le centre-ville de Seattle le jour du premier mai 2012. Les médias ont rapportés de partout entre 150 000 et 300 000 dollars de dégâts survenus ce jour-là, alors clairement l’Etat est àla recherche de personnes qu’ils peuvent punir pour ces actes. Mais la punition n’est pas la seule raison de cette chasse aux sorcières, il est clair que l’État souhaite également utiliser la peur pour faire taire les luttes anarchistes. La police, le FBI, et la JTTF veulent s’assurer qu’aucun autre incident de ce genre ne se reproduise dans le Nord-Ouest.

Cela fait un mois que la chasse a commencé, même si il semble que cela aurait pu être la semaine dernière ou même hier. En ces moments intenses, le temps tend àperdre son sens. Mais cette expérience ne nous a pas rendus plus faibles, mais plus forts. L’objectif d’isolement visé par l’État n’a fait que rapprocher un peu plus les communautés anarchistes. De nouvelles amitiés et des affinités ont déjàété formées et renforcées, et c’est un processus qui va se poursuivre. Malgré tous les moments difficiles, la curiosité de savoir qui va être mis en accusation, l’idée d’être conduit dans une salle d’audience enchainé, les appels téléphoniques aux parents expliquant pourquoi ils ne verront pas leur enfant pour les dix-huit prochains mois, les amis qui nous manquent et nous manqueront encore, nous restons non-coopératifs. Nous restons silencieux.

Nous répondons àcette chasse aux sorcières avec le silence, mais un silence loin de celui que désire l’État. C’est le silence du refus, pas le silence de la complicité. Nous utilisons ce silence pour protéger celles et ceux àqui nous tenons. Nous utilisons ce silence parce que certains d’entre nous étaient là, courant parmi les gens habillés tout en noir, écoutant la symphonie des éclats de verre tombant sur le trottoir et regardant les drapeaux noirs renforcés percer des fenêtres de Niketown d’une manière quasi synchronisée. Plus important encore, nous utilisons ce silence parce que ce sont quelques-uns des moments qui nous font nous sentir vraiment vivant, et un peu plus libre, et sans ce silence, ces moments ne pourraient pas exister. Ils recherchent un silence qui nous fera craindre leurs cages ; nous cherchons un silence qui les stoppera net sur leurs chemins.

Ce silence a déjàinspiré l’action, àla fois proche et lointaine. Des banques et des voitures de luxe vandalisées en France aux lâcher de banderole àNew York, et toutes les autres actions de solidarité, il parait évident que beaucoup trouvent de l’inspiration dans ce silence. Que l’on choisisse de faire profil bas ou de faire face àla colère de la cour, par notre silence de refus, nous rendons leur mission de répandre la peur et l’isolement d’autant plus difficile. En silence, nous rugissons !

Des vagues se soulèveront sur l’eau silencieuse
Qu’ils se noient dans nos vagues de secrets.

Aoà»t 2012.

[Tract traduit par nos soins de l’anglais de pugetsoundanarchists.]


Un Grand Jury est, dans les systèmes juridiques de common law, un type de jury qui est réuni afin de déterminer si, dans une affaire, les preuves recueillies au cours de l’enquête de police, et qui lui sont présentées par un procureur, sont suffisantes pour ouvrir un procès, ou au contraire s’il convient de prononcer un non-lieu.
Aux États-Unis, même si l’obligation constitutionnelle (Cinquième amendement) ne s’applique qu’au gouvernement fédéral, les États prévoient tous un grand jury dans leurs textes, mais seulement 22 rendent son usage obligatoire pour inculper un accusé.
Les grands jurys sont traditionnellement composés d’un plus grand nombre de jurés (entre 16 et 23 grands jurés) que les jurys utilisés durant les procès, d’où leur nom. Cependant ils prennent leurs décisions àla majorité simple et àhuis clos, en outre il n’y a ni juge ni avocat de la défense, seulement le procureur qui présente ses preuves. Les preuves illégales peuvent être présentés devant un grand jury. Le procureur peut aussi se servir du grand jury pour mener son enquête, comme par exemple pour citer des personnes àtémoigner sous serment.

Une JTTF est une collaboration ponctuelle entre plusieurs secteurs et agences de maintien de l’ordre dans le cadre d’une menace terroriste. Les agences que comprennent généralement les JTTF sont le FBI, des départements de la sécurité intérieure (Homeland Security) comme la police des frontières, l’immigration, les douanes, les gardes-cotes, l’administration de la sécurité des transports, les services secrets ainsi que les services de sécurité diplomatiques, mais aussi les polices locales et fédérales ainsi que des agences spécialisées, comme la police des chemins de fers.

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