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Déclaration de Kostas Sakkas àpropos de sa grève de la faim

mardi 2 juillet 2013

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J’ai été arrêté le 4 décembre 2010 avec le compagnon Alexandros Mitroussias dans le quartier de Nea Smyrni [1] alors que je quittais un dépôt dans lequel se trouvaient des armes.

Depuis le début, j’ai admis mon lien avec ce lieu tout comme avec les armes qui s’y trouvaient. J’ai déclaré depuis le début que je suis anarchiste et que ma présence en ce lieu précis est liée àmon identité politique et aux choix qu’elle implique.

Le 7 décembre 2010, j’ai été amené devant le juge d’instruction compétent et j’ai été placé en détention préventive sur l’accusation de participation àune organisation terroriste inconnue et possession aggravée d’armes.

Le 12 avril 2011, et alors que j’avais déjàété détenu quatre mois dans la prison de Nafplion, j’ai été ànouveau appelé par les juges d’instructions Baltas et Mokkas et, sans que n’ai été produites de nouvelles preuves ni même été menées de nouvelles investigations, j’ai été placé en détention préventive pour participation àl’Organisation Révolutionnaire de la CCF. Évidemment parce que les juges d’instruction réalisèrent qu’ils ne pouvaient tenir dans une salle d’audience l’accusation de participation àune organisation qui n’a àson actif aucune action, dont les membres n’ont en leur possession pas de bombes, de communiqués ou d’armes ayant servi, une organisation qui n’a même pas de nom.

J’ai clarifié par le passé – tout comme l’OR de la CCF de son côté – que je ne suis pas membre de ladite organisation. Je ne l’ai pas fait pour éviter l’odyssée répressive et vindicative que la justice bourgeoise réserve àquiconque est accusé en tant que membre de celle-ci, mais tout simplement parce que c’est comme ça. Je suis obligé de le clarifier pour le rendu historique exact. Non seulement pour moi mais aussi pour l’OR de la CCF.

L’accusation initiale de participation àune organisation terroriste inconnue attribuée àla fois àmoi et àmes deux compagnons (Alexandros Mitroussias et Giorgos Karagiannidis) ainsi qu’àtoutes les autres personnes arrêtées lors de la même opération – bien qu’elles n’avaient pas le moindre lien – a constitué lors de cette période le sommet de l’opportunisme politique dont s’est servi la DAEEV [2] pour le compte du ministre de l’intérieur d’alors, Christos Papoutsis, qui désirait – comme tous ses homologues – démanteler àtout prix une organisation terroriste pendant son mandat. Il est certain que ledit ministre dirigeait directement l’opération, qu’il avait même évalué les informations que la force antiterroriste lui avait données et qu’il a finalement donné l’ordre de procéder aux interpellations. Quiconque a suivi les médias de masse ces jours-làse souviendra des scénarios et estimations de différents journalistes perroquets sur les organisations dont nous pouvions être membres, ce que nous comptions faire etc., lesquels étaient évidemment alimentés par la DAEEV, jusqu’àce que bien sà»r les résultats de la balistique ne sortent et qu’ils ne la bouclent... Plus tard, M. Papoutsis, dans sa tentative de s’excuser pour le fiasco, déclara dans un entretien àun journal connu que « Â la force antiterroriste l’avait piégé  » (!).

Le 6 avril 2012, toujours inculpé et atteignant la limite des 18 mois (limite maximale de détention préventive dans la loi), j’ai été placé ànouveau en détention préventive pour avoir perpétré 160 actes incendiaires ou àla bombe dont la responsabilité avait été revendiquée par la CCF. Il est significatif que dans ce fichier précis il n’y ait aucune preuve contre moi – ils n’ont même pas pris la peine de le monter de toutes pièces cette fois – ni aucune référence àma personne, àl’exception de ma mise en accusation. Selon la logique de Baltas et Mokkas, ces juges d’instruction intransigeants, c’est un fichier qui, sans exagérer, peut servir contre tout le monde. La faisabilité de cette poursuite est également mise en évidence par le fait que ces messieurs les juges d’instruction avait eu entre leurs mains ce fichier précis depuis ma première interpellation, fait qui les obligeait – toujours selon la loi – àme le donner avec le premier fichier d’accusation. Donc, en peu de mots, ces messieurs m’ont mis en détention sous l’accusation de participation àla même organisation deux fois d’affilée (!).

Aujourd’hui, après avoir été enfermé pendant deux ans et demi pour une simple possession d’armes (plus précisément possession aggravée d’armes, ce qui signifie que les armes détenues sont destinées ou àêtre vendues ou àéquiper une organisation terroriste, chose qui n’est pas une évidence et que je n’ai pas admis). Les principaux défenseurs institutionnels de la justice et de la loi, qui me retiennent dans l’illégalité, ont décidé d’ignorer leur constitution même – laquelle définit une durée maximale de 12 mois pour toute détention préventive subséquente àla première – puisque que cela n’est pas suffisant pour leurs besoins politiques et afin qu’ils me retiennent en otage six mois de plus.

Au fond, ils veulent que cette captivité prolongée et excessive compense leurs accusations rapiécées et paresseuses. Quoi qu’ils fassent, ils sont incapables de prévenir la « Â déflation  » de celles-ci dans les salles d’audiences, malgré le régime spécial qui les caractérise (àtout point de vue) [3]. Quiconque est passé par celles-ci même pour un court instant le sait très bien.

Leur tactique est maintenant limpide et trahit leurs intentions vengeresses. Oui, c’est la vérité, l’État se venge contre ses opposants politiques. Il se venge mais jamais il ne les connaît, en réalité il ne les a jamais connus. En tant qu’espions et traîtres avant, aujourd’hui en tant que terroristes et ennemis de la société.

C’est un fait que le système politique traverse depuis la chute de la dictature sa période la plus critique et instable àcause des conséquences nationales de la crise économique mondiale. C’est un fait également que la répression et plus généralement l’attitude autoritaire de l’État est la « Â dernière carte  » qu’il a en main afin de préserver une paix sociale assujettie et de prévenir une réaction généralisée de s’exprimer selon des expressions organisées et substantiellement insurrectionnelles.

Le ministre des finances lui-même a confessé que c’est la première fois qu’un gouvernement est appelé àappliquer des mesures si extrêmes en période de paix.
Les lois ont toujours exprimé la volonté des puissants, aujourd’hui elles ne suffisent plus pour les représentants politiques du système face àce qu’ils doivent appliquer pour le servir loyalement.

De mes points de vue et positions politiques sur le fait que le chemin pour la liberté individuelle et collective est plein de lutte et de résistance, j’ai décidé de mener une grève de la faim àpartir du mardi 6 juin, le jour où, selon les lois actuelles, la limite maximum de ma détention préventive expire. Je voudrais clarifier que, pour moi, le choix d’entamer une grève de la faim n’est pas un geste de désespoir mais un choix de continuer le combat, un combat que moi et mes compagnons avons mené depuis le début de notre captivité, résistant àun traitement sans précédent et vengeur des mécanismes judiciaires qui ont décidé dans notre cas de faire une pause sur leur revenus de fonction et de défendre la société de ses supposées ennemis et les lois de ses contrevenants. Ce sont les mêmes mécanismes et les mêmes personnes qui sont derrière, ceux qui légitiment les retours forcés au travail des grévistes, les milliers de vente aux enchères et de sans-abris, l’abolition des revendications des travailleurs, le chômage, la fin des avantages sociaux, les milliers qui vivent sous le seuil de pauvreté, les centaines de suicidés qui chaque année mettent fin àleur vie parce qu’incapables de s’en sortir dignement, la légitimité d’empiler des gens dans des camps et de les déclarer illégaux.
Ce sont les auteurs actuels de la légalité des tortures et tabassages dans les commissariats, des coups de feu accidentels, d’avoir rendu silencieux les médias anti-régime...
Ce sont les auteurs actuels de la création d’une société cimetière au nom de la loi.
Drapés dans l’hypocrisie et l’indécence, méprisables autant pour les dévots de la justice bourgeoise que pour ses détracteurs et ses ennemis idéologiques.

"Il meurt lentement celui qui ne prend pas de risques pour réaliser ses rêves, celui qui, pas une seule fois dans sa vie, n’a fui les conseils sensés (...) Il meurt lentement celui qui ne sait pas trouver grâce àses yeux (...) Il évite la mort celui qui se rappelle qu’être vivant requiert un effort bien plus important que le simple fait de respirer."
Pablo Neruda

Kostas Sakkas
Prison de Korydallos, Aile A
29 mai 2013

[Traduit du grec par nos soins de Indymedia Athènes.]


Pour précisions, Kostas Sakkas a été hospitalisé le 17 juin àNikaia. Le 25, les juges de la cour d’appel ont rejeté sa demande, confirmant la prolongation de six mois de sa détention préventive. Plus d’infos ici.


[1Quartier d’Athènes dans le sud de la ville.

[2Unité Spéciale Des Crimes Violents de la police grecque.

[3Les procès de la Conspiration des Cellules de Feu se déroulent dans un tribunal spécial dans la prison des femmes de Korydallos àAthènes. Le procès du groupe Lutte Révolutionnaire s’y est aussi déroulé.