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De profundis clamavi

jeudi 19 février 2015

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Ceci n’est pas un texte de critique de l’autocritique faite par les compagnons de la Conspiration des Cellules de Feu, « De profundis  ». Je n’ai pas des longues décennies de taule devant moi, ce n’est donc pas àmoi de juger des méthodes utilisées par ces compagnons pour obtenir ànouveau leur liberté et retourner sur les chemins de lutte de la guérilla urbaine anarchiste.

Ce texte a seulement pour but d’arrêter pour un instant le flux constant d’informations, mieux, de contre-informations, pour faire une réflexion autocritique. Cela parce que je trouve, et je gère moi-même un site de contre-information, que souvent on passe sur la critique des textes qu’on publie/lit, presque comme si on était des agences de presse.

Pour ne pas aller trop en arrière dans le passé (et ces exemples ne sont pas récents), je voudrais commencer avec un exemple moins difficile, c’est-à-dire quand j’ai lu dans une revendication venant de Grèce, en date du 19/01/2012, une citation d’un boss de la mafia. Je n’entre pas dans les choix des amitiés personnelles et je ne fais pas référence aux étiquettes imposées par le système (comme celle de « Â criminel  »), mais en supposant que l’activité de la mafia ne soit pas si différente en Grèce ou dans l’ex-Yougoslavie ou en Italie, en supposant aussi que tout le monde connaît son caractère organisationnel et politico-economique, la nécessité d’insérer un tel personnage dans le contexte de la lutte/action anarchiste est pour moi incompréhensible d’un point de vue anarchiste. Ou peut-être que ce sont désormais les amitiés personnelles qui transforment n’importe qui en compagnon de lutte ?

Et de cette façon, même Ch. Xiros, membre d’une organisation communiste, est devenu un compagnon. Bien entendu, maintenant qu’il a été déclaré publiquement qu’il s’agit d’un délateur, nombre de gens s’empressent de souligner qu’ils ne lui avaient pas donné de solidarité par le passé (et ceux qui la lui ont donnée se taisent). Une petite parenthèse au passage : comment cela se fait que jusqu’àce jour cette information [le fait que Xiros ait balancé des personnes lors de son arrestation et du procès contre 17 Novembre ; NdT] n’ait pas été publiée, dans ce monde de contre-information rapide ?
Mais s’il n’était pas un délateur, un communiste pourrait-il être un compagnon des anarchistes, une personne envers laquelle avoir de la solidarité et àsoutenir ?

Pour ma part, je n’ai eu aucun problème, en publiant la nouvelle de la tentative d’évasion ratée de la CCF, àajouter que RadioAzione Croatie n’exprimerait jamais de solidarité envers un communiste.

Ou peut-être qu’il suffirait de prendre un fusil dans ses mains pour être considérés comme des compagnons ?
Guérilleros de tous les pays, unissez-vous ?
Unis dans la lutte, pour la révolution internationale ?
Résistance kurde, palestinienne, basque, guérilleros latino-américains de toute sorte, RAF, Action Directe...
Que vive la lutte armée en soi ?

De quelle autre manière pourrais-je m’expliquer les noms de certaines cellules de la Fédération Anarchiste Informelle (et je souligne « Â anarchiste  » et « Â informelle  » !) dédiés par exemple àMeinhof de la RAF ou àJorge Saldivia du chilien Frente Patriotico Manuel Rodriguez ?
Je me demande pourquoi les compagnons, pas seulement ceux qui signent avec les noms des membres de ces organisations, mais aussi ceux qui publient/lisent ces nouvelles, n’y trouvent rien de contradictoire ?

Peut-être parce que, excusez-moi si je l’ignorais, il y a eu la création d’un front commun anarcho-communiste ?
Peut-être parce qu’on a des points en commun qui nous unissent dans la lutte ? Le but final ?
Parce qu’il faut que l’histoire se répète pour apprendre enfin la différence entre une idéologie autoritaire et une idée anarchiste, qui vise àla destruction totale de l’existant ?
Mais si la différence entre les deux est si abyssale (et du moins dans ma conception de l’anarchie elle l’est), ne devrait-elle pas se refléter aussi dans la pratique ?
Ou peut-être qu’on a oublié que ces guérilleros communistes, dans les zones où ils ont eu plus de « Â chance  », ont contribué àla construction d’un État communiste ?
Et comment pourrais-je, anarchiste, faire référence ou me solidariser avec des personnes dont l’idéologie a persécuté, torturé et assassiné des anarchistes ?
Aujourd’hui coude àcoude face àl’ennemi commun (?). Demain face aux tribunaux populaires. Aujourd’hui ensemble en tant que « Â prisonniers politiques  ». Demain dans les taules populaires.

Qu’est ce ça signifie, en plus, cette expression « Â prisonniers politiques  », fréquemment utilisée dans les milieux anarchistes ? C’est peut-être pour se différencier des prisonniers de droit commun, qui sont en taule pour leurs actes et pas pour leurs idées ?

Mais les fascistes/nazis et les islamistes sont aussi détenus pour leurs idées.

Mais si je soutiens mes compagnons anarchistes emprisonnés àcause de l’affinité avec leurs idées, comment pourrais-je me solidariser avec les « Â prisonniers politiques  » en général, qui ont des idées qui sont pour moi l’ennemi ?

Oui, pour mon Moi individualiste-anarchiste, les communistes (et affiliés), les anti-autoritaires, les antifascistes (parce que je ne me déclare ni anti-autoritaire, ni antifasciste, car « Â anarchiste  » englobe en soi tous ces « Â anti-  », et ceux qui ont la nécessité de se définir avec ces demi-mots, c’est parce que l’anarchie est trop libre pour eux) ce sont des ennemis tout comme les fascistes/nazis, les démocrates, les religieux, etc., comme tout ce qui est un obstacle àla réalisation de mes idées, de ma vie libre.

Et tous ces communistes, fafs/nazis, religieux, démocrates, etc., ont un seul ennemi commun : l’anarchiste.

Du coup, soit j’exprime ma solidarité avec tous les prisonniers en général, pour la raison évidente qu’ils sont enfermés en prison, ou bien je le fais seulement avec les prisonniers anarchistes selon mes affinités.
Jamais avec les « Â prisonniers politiques  ».

Et encore : les anarchistes ne sont-ils pas opposés àtoute étiquette, dehors comme dedans ?
Une chose évidente (?) : ce n’est pas l’action en soi qui me rend en afinité avec quelqu’un, mais la pensée qui motive cette action.
Sinon, la prochaine action, on pourra la signer comme cellule « Â Margherita Cagol [1]  »/FAI.

RadioAzione (Croatie), février 2015

[Traduit par nos soins de l’italien de RadioAzione.]


[1Margherita "Mara" Cagol a été parmi les fondateurs et les principaux dirigeants des Brigades Rouges, tout comme son mari, Renato Curcio. Entre autres, le 18 février 1975, elle a conduit la cellule de cinq brigadistes qui a donné l’assaut àla prison de Casale Monferrato et libéré Curcio, qui avait été arrêté 5 mois plus tôt. Elle est morte le 5 juin 1975, lors d’un échange de coups de feu avec les Carabinieri, qui étaient tombés par hasard sur la planque où les BR gardaient un industriel kidnappé pour financer l’organisation