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Turin : Les spécialistes

jeudi 27 mars 2014

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22 mars 2014. Comme l’enseignait le vieux Eichman, le bon fonctionnement d’une déportation est aussi une question de logistique : faire correspondre les déplacements des troupes d’escorte, la disponibilité de la juste masse des prisonniers et des moyens de déplacement adéquats, avec le fonctionnement des infrastructures générales de transport ; sans oublier les cartes àtimbrer, l’encre pour les timbres et les fonctionnaires compétents. Donc en quelques jours les spécialistes aux ordres de l’impérissable vice-prefet Rosanna Lavezzaro se sont beaucoup impliqués pour faire participer le CIE de Corso Brunelleschi àune énorme déportation de nigérians organisée au niveau européen. Un seul vol charter qui part d’une quelconque capitale du Nord et qui tourne parmi les pays de l’union pour embarquer des passagers forcés : la dernière étape, habituellement, est Rome, où convergent les prisonniers des CIE italiens, direction Lagos.

Tout semblait prêt mais dimanche survient l’obstacle : après une semaine d’incendies, un des modules où sont emprisonnés certains des futurs déportés est donné au feu. Cette fois, il y a une caméra qui capture la scène tant bien que mal, le matériel pour effectuer quelques arrestations existe donc… mais que se passe-t-il ? les arrêter voudrait dire leur faire perdre leur avion qui est prévu depuis des jours et bien organisé, et le consul avait même finalement mis son cachet… les hommes de la Lavezzaro auront eu quelques doutes, il rumineront quelques heures en compilant les procès verbaux et en effectuant les reconnaissances, mais au final, ils prendront la décision àlaquelle tous s’attendent de la part d’un flic et emmènent six nigérians àla Vallette (prison de Turin, ndt).

Le hasard, cependant, joue un tour aux spécialistes, lors de l’audience de validation, le juge se rend compte que trop de temps s’est écoulé entre le feu et l’arrestation : manque le flagrant délit, et les six sont libérés. “Mais comment ça, ils nous autorisent àmettre des caméras et quand ils sont filmés ils ne les emprisonnent pas ?†semble s’être exclamé fort un des flics au terme de l’audience. Pour remédier àleur déconfiture, nos petits Eichmann réussissent, au dernier moment et après un rapide passage àla préfecture, àrattraper le temps perdu et àembarquer quatre des six dans un vol pour Rome, surchargé et rempli des autres nigérians qui étaient restés àCorso Brunelleschi. Des arrêtés de lundi, trois seulement sont retournés au CIE : deux des nigériens, qui avaient fait une demande d’asile et qui ne peuvent donc pas être déportés pour l’instant, et un tunisien – qui a été arrété pour un autre incendie pour lequel le juge a validé l’arrestation mais relâché immédiatement. Tous les trois devront comparaître demain en face du juge de paix qui validera de nouveau leur incarcération au CIE. Plus personne n’est àla Vallette, donc.

Dans le CIE semi-détruit, donc, il ne reste aujourd’hui qu’une trentaine de personnes : les femmes qui occupent l’unique section encore entière, représentant la moitié des détenus, tandis que les hommes sont installés entre une chambre de la bleue et la salle àmanger de la violette. Cependant, pour revenir aux procédures des spécialistes des déportations, nous devons souligner que, même si personne ne sait qui la semaine passée a été candidat pour gérer le Centre, la préfecture a annoncé que, contrairement àla coutume, ce serait un comité formé pour évaluer les offres, composé en sus de ses propres agents, de policiers. Donc, pour choisir de confier la gestion du Centre de la Croix-Rouge militaire ou àun nouveau venu il y aura aussi … Rosanna Lavezzaro, qui a des compétences reconnues en matière de fonctionnement des centres. Nous vous signalons également les noms des hommes du préfet qui composent la commission, pour laisser une trace àla postérité : Joseph Zarcone, directeur du groupe II, Valeria Sabatino, vice-préfet, et l’officier Donatella Giunti, fonctionnaire employé au procès-verbal.

[Traduit de l’italien de Macerie par Sanspapiersnifrontières.]