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Italie (Opération Ardesia) : Daniele et Francesco arrêtés pour accomplir le reste de leur peine

dimanche 1er juin 2014

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Mercredi 28 mai et vendredi 30 mai, Francesco et Daniele ont été arrêtés pour accomplir le reste de leur peine (de respectivement 2 ans et un mois et 1 an et 9 mois) en relation avec le braquage qui a eu lieu àLucca en juin 2007.

En fait, le 20 mai 2014 avait eu lieu l’audience en cassation pour Daniele et Francesco qui avait confirmé les peines prescrites en appel.

Depuis aujourd’hui Daniele se trouve dans la prison de Pise et Francesco dans la prison de Livorno.

Garage anarchico

[Traduit de l’italien par nos soins de Informa-azione.]

Pour leur écrire :

Daniele Casalini
Casa Circondariale “Don Boscoâ€
Via Don Bosco 43
56100 – Pisa

Francesco Gioa
Casa Circondariale “Le Sughereâ€
Via delle Macchie 9
57100 - Livorno


Pour rappel une lettre de Francesco, inculpée dans une opération précédente (2004) :

Lettre de la clandestinité de Francesco Gioia

[Francesco Gioia a été arrêté le 30 juillet 2004 au cours de l’enquête sur les COR qui a conduit àdes dizaines de perquisitions dans la région de Pise, la mise sous enquête pour “association de malfaiteurs†d’une petite dizaine de compagnons, donc deux sont incarcérés. Mis en résidence surveillée, il s’en est enfuit en aoà»t. Lettre reprise de Tout Le Monde Dehors !]

De je ne sais où, ??????, 2004

Chers parents, amis et compagnons,

Cela fait environ deux mois et demi que je suis sorti de la maison de mes grands-parents, ou plutôt du domicile qui m’avait été imposé comme forme de prison préventive par des personnes que je ne connais pas et qui ne valent certainement pas la peine d’être connus. Cette geôle consistait en gros àne pas pouvoir sortir de chez moi, àne pouvoir voir aucun membre de ma famille qui n’y était pas officiellement habitant, c’est-à-dire ne pouvoir voir aucun membre de la famille du coté de mon père (et lui non plus). Le fait d’être moi-même séquestré àdemeure enfermait aussi mes proches puisqu’ils ne pouvaient accueillir àla maison aucun parent ou une quelconque personne n’y habitant pas, ce qui bouleversait complètement les habitudes de mes grands-parents et de ma mère. A la différence de la détention carcérale, je ne pouvais ni téléphoner ni écrire, sous peine de retourner en prison. Et pour assaisonner ce beau tableau, c’étaient ceux qui sont tout sauf mes amis passaient me rendre visite sept fois par jour et deux-trois fois par nuit.

Bien plus, ce sont les mêmes qui depuis que j’ai seize ans font tout pour m’envoyer en taule.

Un peu d’histoire. Depuis l’époque où j’étais mineur, j’ai subi environ une douzaine de perquisitions, dont quatre ou cinq chez mes grands-parents ; ils n’ont jamais rien trouvé de compromettant. J’ai été inculpé dans de nombreuses enquêtes, dont aucune ne s’est jamais soldée par une condamnation, àl’exception de deux petites conneries qui se sont terminées en amendes suite àun acharnement et une rancune particulière des défenseurs du capitalisme (la police et les carabiniers). Vu qu’ils n’ont jamais réussi àme trouver des poux dans la tête, bien qu’ils soient fermement convaincus que je sois la cause de leurs problèmes, les défenseurs de l’exploitation se sont toujours acharnés sur mes amis (anarchistes ou non) et sur leur famille àgrands renforts de perquisitions, menaces, coups et insultes. Parfois ça n’a pas marché, parfois si, et j’ai perdu des amitiés ou en tout cas l’appui de celles-ci de la part des parents de mes amis.

Combien de fois ai-je entendu « ils m’ont dit que si je disais que c’est toi qui a fait ceci (se référant àune action), ils ne me poursuivraient pas àpropos de la drogue qu’ils m’ont saisie, mais je ne pouvais pas le leur dire parce que je ne t’ai rien vu faire  », ou de la part d’un autre ami : « ils m’ont emmené àla caserne sans avocat, m’ont donné des baffes, interrogé et fait chanter  ». Combien de fois me suis-je entendu dire en connaissant àpeine les parents de mes amis « quand mon fils sort avec toi je suis tranquille, tu ne bois pas, ne fumes pas, tu es un gentil garçon  ». Toute cette confiance, les gens que je connais me la donnent toujours jusqu’àce que les hommes en uniforme jouent leur rôle en menaçant, faisant du chantage, terrorisant. Ces choses-làse sont produites avec des amis, des pa-rents, des amies, mais aussi au travail, dans le bar que je fréquente, làoù je fais mes cour-ses.

Environ deux mois avant mon arrestation, alors que je sortais d’un de mes travaux saisonniers habituels (ouvrier agricole), je vois un fil noir qui dépasse du montant de la portière de la voiture. Ceci, additionné au fait que depuis quelques temps la radio faisait le même bruit que lorsqu’elle fait des interférences avec un portable alors que je n’ai plus de portable (les flics me l’ont séquestré), me fait comprendre que ma voiture a été visitée par quelque petit espion. Ensuite, en enlevant la gaine du montant de la portière et une partie du tableau de bord, j’ai trouvé un GPS (un global position system sert àconnaître en temps réel les déplacements de la voiture), son antenne et deux micros. Cela signifie qu’au moins deux espions sont entrés dans ma voiture (qui est toujours fermée) en la forçant, en ayant une copie des clés ou un passe-partout. Et cette histoire n’est pas arrivée qu’àmoi, mais àtant d’autres compagnons. Tout ceci montre clairement les mé-thodes de ces soldats au service de l’argent.

Ceci a été et est ma vie, c’est plus ou moins la même que celle de nombreux compagnons, y compris ceux qui sont inculpés avec moi dans l’enquête sur les COR. Les COR (Cellules d’offensive révolutionnaire) sont un groupe qui agit dans toute l’Italie, mais qui a accompli de nombreuses actions àPise et aux alentours. Actions visant des fascistes, syndicalistes àla solde du pouvoir, carabiniers… Toutes ces personnes sont des ennemis jurés de leur propre classe, selon tout anarchiste ou communiste. Pour ce motif, et pour n’en faire aucune apologie, j’éviterai de commenter ces actions. L’offensive policière a commencé avec l’arrestation d’un compagnon (Alessio) sous l’accusation ridicule d’avoir acheté un bidon vide le jour où les COR ont incendié une caserne ; d’autres compagnons ont été arrêtés le même jour ou peu après parce qu’on a retrouvé chez eux un document des COR qui leur avait été adressé comme àbeaucoup de journalistes soit par la poste, soit par internet de façon anonyme. Morale : en Italie, on peut aller en prison pour avoir reçu une lettre anonyme. Un mois après est arrivée la deuxième vague répressive : contre moi, Giuseppe et Willy. En ce qui me concerne : perquisition àsix heures du matin, d’abord aucun signe d’arrestation, puis après n’avoir rien trouvé ils m’emmènent àla caserne pour signer les actes. Une fois sur place, l’un d’eux me dit : « J’ai deux infos pour toi, un je dois t’incarcérer, deux tu peux accomplir cette peine préventive sous forme de mise en résidence surveillée chez toi  ». J’ai souri un peu sarcastiquement, il n’y avait ni stupéfaction ni peur dans ma tête, seulement du mépris.

C’est àpartir de ce moment-làque j’ai commencé àsentir l’envie de sortir de cette situation de merde et elle s’est faite de plus en plus pressante jusqu’au jour de ma fuite. J’ai pris le large en partie pour restituer àmes proches la liberté qui leur avait été supprimée avec ma mise en détention àdemeure, et en partie pour moi, parce qu’être enfermé àla maison pour la plus grande joie de l’ennemi me faisait vraiment mal. Le transfert injustifié de mon ami Willy en prison m’a concaincu que je devais faire vite pour ne pas subir le même sort àcause de quelque caprice du juge. Je défie quiconque de dire que les preuves contre moi sont consistantes et j’invite ma mère àmon-trer mes procès-verbaux àtout ami qui veut se payer une tranche de rire (pour ma part, j’ai peu ri).

Au cours de ma fuite, j’ai trouvé de nombreuses amitiés, certaines feintes, d’autres non, je me suis baigné àla mer et àla piscine, je suis allé àdes concerts, j’ai dansé, je suis allé au cinéma, j’ai fait des blagues, mais j’ai aussi réfléchi et je me suis tenu informé de la si-tuation de mes amis incarcérés. Toutes ces choses que la flicaille voulait m’empêcher de faire. Il y a beaucoup d’aspects positifs dans le fait de s’enfuir, mais cette situation m’empêche de voir les personnes que j’aime le plus dans la vie, mes parents, mes amis et mon chien Ludd que je cajolerai quand je le reverrai. Mon ami Willy me manque aussi beaucoup, lui qui a été très proche de moi dans les moments difficiles et que j’espère voir en liberté le plus rapidement possible. Un merci aussi àmon avocat Luca Pellegrini qui continue àfaire avancer ma défense même si je suis loin, et pour toutes les fois où il m’a aidé au cours de situations les plus diverses. Un salut àtous les compagnons anarchistes et communistes qui portent en avant les luttes avec cohérence et courage, et àtoutes les personnes qui les soutiennent plus ou moins directement.

J’ai appris de mon chien Ludd qu’on doit porter un grand amour aux personnes qui nous aiment et nous respectent, sans avoir peur de n’être pas assez un homme àcause de pleurs ou de la caresse d’un ami, mais j’ai aussi appris àêtre féroce et vindicatif contre ceux qui me veulent du mal ou me vendent àl’ennemi. J’envoie plusieurs copies de cette lettre et je souhaiterais qu’elle circule surtout parmi mes parents et amis, même si on peut aussi la passer sur internet.

Solidarité avec tous les compagnons qui portent en avant l’action directe contre le capitalisme et l’Etat.

Francesco Gioia, un des arrêtés dans l’enquête sur les COR, heureusement libre