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"Démocratie réelle" et "indignation" sélective

samedi 4 juin 2011

Plusieurs textes critiques sur les actuels mouvements dit des "indigné-e-s" (en france), ou encore pour la "démocratie réelle" (ailleurs), posant plusieurs pistes de réflexions sur ce qui, derrière tout un lot de bonnes intentions et quelques initiatives intéressantes, ressemble de plus en plus àune nouvelle impasse citoyenniste d’envergure (intro reprise du Cri du Dodo)
Note de NF : nous publions ces textes même si leur contenu ne nous satisfait pas vraiment, par manque d’autres textes et analyses.

Combien d’amis le pacifisme compulsif a sur facebook ? [Grèce - 25 Mai 2011]

Le 25 mai, de l’après-midi jusqu’àl’aube, près de 40.000 néo-grecs en tout genre ont submergé la place Syntagma pour valider de la pire des manières le mémorandum de la troïka, les mesures d’austérité et le privilège exclusif d’usage de la violence par l’Etat.

Le rassemblement nécrophile et petit-bourgeois d’hier s’est tenu deux semaines tout juste après l’attaque féroce de l’Etat contre le mouvement de grève du 11 mai, avec pour bilan des centaines de crânes ouverts et le manifestant Giannis Kafkas àl’hôpital dans le coma ; quelques jours après l’intensification sans précédente de la violence raciste et du cannibalisme social non loin de Syntagma, dans l’autre centre d’Athènes déclassé : attaques àrépétition de flics et de fascistes contre des maisons et des magasins d’immigrés et des squats d’anarchistes, avec les adeptes du fascisme s’accaparant le meurtre brutal de Manolis Kadaris et des groupes de néo-nazis lançant des pogroms, blessant en tout des centaines d’immigrés et poignardant àmort le bengali Alim Abdul Manan.

Le rassemblement pacifique avait lieu au même moment où des compagnon-ne-s se rassemblaient sur la place Victoria pour résister activement contre l’Etat de la terreur, les ségrégations raciales et les ordures du monde nationaliste.

Sur le modèle du mouvement affligeant "Democracia Real YA" des réformistes espagnols, mais aussi de "geração àrasca" des pacifistes portugais, un rassemblement apolitique de plus a été appelé sur facebook, en face du parlement grec cette fois-ci [1]. La présence symbolique des flics face au monument du soldat inconnu ne doit pas nous induire en erreur. Ce n’était pas seulement les forces répressives qui défendaient les symboles du pouvoir, mais surtout la masse de « citoyens indignés  » qui ont déclaré allégeance aux patrons et àl’Etat de toutes les manières possibles.

Le pacifisme obligatoire d’un pseudo mouvement de résistance était, est et sera une version supplémentaire de la violence étatique. Les défenseurs du régime parlementaire en tout lieux proposent d’étendre le pacifisme pour manipuler les foules et canaliser la rage populaire sur le chemin du réformisme du système existant, au lieu de le renverser. Après tout, c’est justement la figure du manifestant pacifiste et démocratique que recherche l’Etat et le Capital.

Ces premiers rassemblements sur la place Syntagma àAthènes, ou dans d’autres endroits centraux d’autres villes en Grèce, étaient un vote de confiance informelle àun système pourri dans son fondement. Nous voyons désormais au niveau européen que de tels mouvements fonctionnent comme des soupapes de sécurité de la guerre sociale et de classe. Làoù la matraque du flic et le couteau du facho ne peuvent suffire, la propagande réformiste des facebookeurs apolitiques le peut.

Le mouvement antagoniste et les anti-systèmes radicaux doivent démontrer la nature réactionnaire et contre-révolutionnaire de ces mauvaises contrefaçons des révoltes du monde arabe. Une des caractéristiques fondamentales du capitalisme est son pouvoir àtransformer et absorber les voix le défiant. En enlevant leur sens àdes mots tels que rage, révolte, révolution, le système et ses soutiens espèrent ainsi rabaisser le mouvement de libération sociale et le détourner sur des voies indolores pour eux-mêmes.

Des mises en garde des madrilènes aux campeurs de Syntagma tel que « ne faites pas d’émeute  » ont été entendu par de nombreuses oreilles attentives. La presse du régime dans le monde entier reproduit, enrobe et orne le discours pacifiste, l’imposant comme la seule perspective "porteuse d’espoir".

Tant que nous ne passons pas àla prise des moyens de production [sic], l’abolition de la propriété, l’insurrection sans races et la mise en place de structures [sic] d’entraide et d’auto-organisation, mais que nous abandonnions nos drapeaux et nos armes àSyntagma [2] ou n’importe où en écoutant et chantant l’hymne national, tant que nous badinons avec des guitares et des chants sirupeux au moment où nous devrions avoir la pierre àla main, nous resterons les esclaves des patrons.

Nous reproduisons trois des points (nauséabonds) de l’auto-proclamée "première assemblée ouverte de Real Democracy Now sur la place Syntagma" et extraits du site officiel du mouvement :


 Les jeunes sortent avec l’âme, la foi et pacifiquement, pas comme en décembre 2008, nous avons tous mà»ri.

 L’autre jour des gens d’extrême droite ont battu et poignardé des migrants, des migrants venant des pays qui ont les premiers lancé et enseigné tout ce qui est insurrectionnel ces derniers mois.

 Après Velos et Polytechnique [3], c’est le premier acte de démocratie directe et d’élévation morale en Grèce.

[Texte traduit du grec par Contra-info et revu par nos soins.]


Pour une anarchie totale maintenant ! [Espagne - 2 Juin 2011]

Ce texte est le produit de notre indignation de voir le mouvement « Démocratie Réelle Maintenant  » se présenter lui-même comme une vraie révolution, alors que ce qu’il représente réellement, ce qu’il défend est la continuation du système capitaliste raccommodé avec quelques réformes sans autres effets que de lui donner une nouvelle légitimité. Les idées que reflètent le manifeste de ce mouvement sont des appels de politiciens, exigeants un système qui tourne àla perfection, pour une démocratie qui autorise une contestation canalisée et contrôlable, tant qu’elle ne menace pas sa survie.

Nous n’approuvons pas la pétition du manifeste, en tant que c’est un discours vide, ambigu et qui galvaude le sens de ce qu’est une véritable révolution.

Nous ne nous reconnaissons pas nous-mêmes comme des citoyens, nous ne nous incluons pas dans le mouvement « Démocratie Réelle Maintenant  » car nous sommes contre tout pouvoir, même celui qui émane du peuple. Nous sommes contre la social-démocratie, la représentation et le fait d’être des esclaves de ce système. Nous ne voulons pas d’un monde de consommation heureuse, d’usines et d’entreprises d’exploitation.

Nous exigeons que soit interrogé l’usage du mot « anti-système  » : l’appliquer àdes politiciens et des banquiers est une incohérence parce qu’ils représentent l’essence même du système actuel, ils le renforcent et le protègent. Dans une déclaration de M-15, ils disent que l’officier de police qui attaque est "anti-système" ; ce n’est rien de plus que de la chirurgie esthétique sur l’actuel fonctionnement du système, qui inclus le domaine de la violence àtravers les forces de sécurité. Nous sommes fiers d’être anti-systèmes, comme nous marchons dans la direction de la destruction de tout ce qui nous opprime, nous voulons un changement réel dans nos vies.

Nous rejetons l’arrogance avec laquelle ce mouvement se distingue lui-même des actions révolutionnaires violentes, promouvant la forme pacifique comme « le seul outil possible de changement social  ». Nous comprenons que cette affirmation ne reconnaît pas les révolutions historiques telles que les actions violentes durant la révolution sociale dans la Seconde République et pendant la guerre civile dans ce pays [en Espagne]. Cela condamne aussi les luttes de divers commandos et groupes autonomes des années 70, 80 et 90 (Mouvement Ibérique de Libération, Action Directe, et beaucoup d’autres), tout comme les actions violentes de résistance de certains mouvements ouvriers. Et pour mentionner d’autres luttes dans d’autres endroits, qui incluent aussi une réaction violente, nous nous souvenons de la révolution Sandiniste et des luttes armées de libération nationale telles que l’EZLN.

Actuellement la lutte insurrectionnelle se répand àtravers le globe sous la forme d’actions violentes et autonomes contre les structures et les symboles du capital et de l’autorité.

Le système n’est pas àréformer, il doit être détruit. Ils ne nous donnerons rien de ce que nous voulons et nous ne leur demanderons rien. Nous ne voulons pas tomber dans des revendications adressées àceux que nous ne reconnaissons pas, nous décidons de les prendre de nous-même. Ce système est fait pour les banquiers, les politiciens, les travailleurs, les citoyens et leurs droits civils. Depuis, la pétition de ce manifeste réclame un fonctionnement soutenable du système, qu’on s’assure du respect des droits civils, du progrès, du travail, de la consommation et du bonheur. Nous ne voulons pas d’un système du bien-être qui est continuellement contre la vie et la liberté. Nous ne voulons pas être des sujets pacifiques et pacifiés qui se conforment. Nous sommes contre la logique travail-consommation.

Le travail salarié c’est l’esclavage, la prostitution de nos corps, de nos esprits et de notre énergie au service du capitalisme. Ainsi se maintiennent les structures sur lesquelles tient l’état de la domination : la complicité passive de la masse des travailleurs-consommateurs constitue une partie fondamentale du fonctionnement propre àce système.

Une lutte ne trouve pas sa mesure dans la quantité de masse qui bouge et par son degré de spectacle, mais plutôt dans son contenu, ses formes, sa cohérence et sa continuité.

La révolution se fait au jour le jour, dans nos vies, dans ce que nous sommes.

Nous sommes outragé-e-s par votre outrage, qui réagit seulement de manière défensive pour des intérêts égoïstes et cherche des solutions confortables et superflues, qui ne cherche pas une révolution profonde et radicale (allant àla racine des problèmes) mais bien plutôt une amélioration des conditions d’exploitation àl’intérieur de ce modèle de faux bien-être.

Pour tout celànous revendiquons et formulons les propositions suivantes :

- Aucune reconnaissance d’aucun système de gouvernement qui décide pour nous-mêmes de nos vies : qu’il soit néo-libéral, démocratique, socialiste, communiste, populiste, fasciste, dictatorial, social-démocrate, etc.

- Aucune légitimation de l’autorité, sous aucune de ses formes, institutions et structures du pouvoir : famille patriarcale, armée, police, gouvernement, docteurs, hôpitaux, psychiatres, asiles, écoles, universités, genres, prisons (incluant celles pour mineurs, les centres de rétention, les zoo, etc...), commerces, religions...

- Abolition du travail salarié et de toute forme d’exploitation.

- Fin de la société carcérale, destruction des prisons et liberté pour tous/toutes les prisonnier-e-s.

- Fin du système de contrôle social, de la vidéo-surveillance, de la police et des citoyens-flics.

- Solidarité avec nos compagnons en lutte, persécuté-e-s, emprisonné-e-s ou tué-e-s par les mains de ceux qui représentent ce système d’extermination.

- Fin du système économique basé sur l’argent et sur les relations humaines capitalistes qu’il engendre tout autour de lui.

- Destruction du système industrio-technologique ; retour àune vie en équilibre et en respect envers la nature et les autres animaux, loin de la non-vie, l’encombrement et l’artificialité des villes.

- Fin des rôles sexuels que la société inculque, inversion des genres. Nous sommes des individus au-delàde nos organes reproducteurs.

- Libération de la terre et des animaux. Fin de l’utilisation d’autres animaux comme des objets/produits pour la nourriture, l’habillement, la distraction, la compagnie, l’expérimentation...et de l’utilisation et de l’abus de la nature comme étant une ressource au service de besoins humains irréels et dévastateurs.

- Rupture de l’apathie générale et continuité des luttes individuelles et collectives, menées sincèrement et de façon cohérente.

Quelques terroristes anti-système, anti-sociaux violents.

Texte paru sur A Las Barricadas et sur Angry News From Around The World.
Nouvelle traduction de l’anglais par Le Cri Du Dodo.


[1Jeu de mots intraduisible ici entre ÎºÏ…Î½Î¿Î²Î¿Ï Î »Î¹Î¿ (la maison du chien) et ÎšÎ¿Î¹Î½Î¿Î²Î¿Ï Î »Î¹Î¿ (la maison des grecs, désigne le parlement). NdT

[2Mot qui désigne également la Constitution. NdT

[3Le Velos est un bâtiment de la marine nationale grecque qui s’est mutiné le 22 mai 1973 pour demander le retour de la démocratie en Grèce. L’université Polytechnique d’Athènes a elle été occupé par les étudiants en novembre 1973 et sera réprimé par les chars de la junte des colonels le 17 novembre 1973. Cette dernière date est aujourd’hui celle d’une manifestation des organisations d’extrême-gauche commémorant le retour de la démocratie en Grèce.